L’économie circulaire : un enjeu de fidélisation pour les retailers

Economie circulaire & retail, des concepts irréconciliables ou un futur à réinventer ?

Au carrefour des préoccupations écologique et économique, l’économie circulaire s’impose comme le nouvel horizon de développement économique du XXIème siècle. En 2021, ce n’est pas moins de 72% des Français qui souhaitent se mobiliser en faveur de la consommation responsable[1]. Un changement de paradigme dans la manière de consommer que les retailers ne peuvent pas négliger.

Le boom de l’économie circulaire

Loin d’être un concept restant abstrait, l’économie circulaire s’enracine concrètement dans notre réalité présente et future. La loi relative à la lutte contre le gaspillage et à l’économie circulaire[2] pose ainsi depuis 2020 un cadre légal pour limiter les déchets, repenser le cycle de vie des produits de A à Z & préserver les ressources naturelles. Le modèle linéaire qui prévalait jusque-là doit désormais complètement se réinventer. Le mariage entre économie circulaire & retail inaugure une nouvelle ère.

En veut pour preuve l’essor sans précédent du marché de l’occasion, qui est désormais sorti de considérations purement budgétaires. L’iconique Le Bon coin est d’ailleurs le deuxième site d’e-commerce français, juste derrière Amazon. Le nouveau venu Vinted pointe à la cinquième place, fort de 4,9 millions de visiteurs journaliers[3]. Les chiffres sont éloquents, et c’est donc assez naturellement que les retailers s’orientent vers ce marché. Que ce soit en physique ou online.

Chiffres sur l'économie circulaire :
91% des Français ont acheté un bien de seconde main en 2021
Plus de 80% des cyberacheteurs ont déjà acheté des produits reconditionnés ou de seconde main et/ou vendu eux-mêmes des articles en ligne
74% des cyberacheteurs déclarent avoir désormais le réflexe d’aller vérifier si le produit n’existe pas en seconde main avant de l’acheter neuf
Etude Fevad & KPMG, « la seconde main au premier plan »

Réinventer l’offre de seconde main

Impossible de passer à côté du renouveau de la seconde main comme grand principe de l’économie circulaire. Mais au-delà du dynamisme évident du marché, il s’agit pour les retailers de renouer un dialogue avec ses clients dans une période où les modes de consommations évoluent. Proposer une offre d’occasion intégrée, en magasin ou sur leur site e-commerce, est ainsi un moyen supplémentaire de fidéliser. Voire un levier pour les faire revenir en magasins, ou même découvrir l’enseigne. Cette tendance touche ainsi tous les grands acteurs, quelque soit leur domaine ou leur positionnement de gamme. Sandro, Jouéclub, Ikea, Cyrillus, Decathlon, Jacadi… Le secteur du textile notamment occupe de plus en plus largement le créneau. Même la lingerie est touchée par le phénomène, on peut citer l’expérience d’Etam qui a proposé des soutiens-gorge d’occasion au prix de 10€ dans une de ses boutiques lyonnaises cet été. Les modèles d’exploitation de cette offre peuvent être multiples.

Une approche multi-marques

Une enseigne comme Kiabi travaille ainsi le sujet sur deux fronts. Avec sa plateforme C2C « Seconde main by Kiabi », c’est un service online supplémentaire qui est fourni à sa base client. En prime, la possibilité d’obtenir un bonus de 20% sur ses ventes si on choisit de convertir le montant en bon d’achat Kiabi.  Une manière efficace de réinjecter ces clients dans leur circuit. Le physique n’est pas oublié par la marque, via le déploiement progressif de corners en magasins. Dans les deux cas, l’approche se veut multimarques, pour offrir une offre complémentaire à sa clientèle.

Une approche de marque

D’autres enseignes se focalisent sur la seconde vie de leurs propres produits, en ciblant ses acheteurs originels. Ikea notamment propose à ses clients un service en ligne permettant d’estimer un prix de rachat d’un de leur meuble. Ils peuvent ensuite venir déposer leurs « anciens » meubles en magasins, permettant d’alimenter un espace dédié à l’occasion. L’enseigne utilise cette approche lors d’opérations de communication dédiée. En lieu et place du Black Friday de plus en plus décrié, Ikea se positionne sur un Green Friday. Les membres d’Ikea family peuvent lors de cette opération bénéficier de 50% additionnel sur leur rachat en carte cadeau. De quoi travailler l’image engagée de la marque, qui ambitionne de devenir une entreprise à l’économie circulaire d’ici 2030[4].

economie circulaire retail Ikea

Abonnement & location, un autre modèle

Si la seconde main est un modèle très prisé dans cette réflexion générale sur l’économie circulaire, elle n’est pas la seule approche possible. Dans un contexte où on s’interroge de plus en plus sur la notion de surconsommation, la question même d’achat est remise en question. L’usage prend ainsi le pas sur la notion de propriété. De ce concept naissent des initiatives autour de la location. Alors que le terme « abonnement » pouvait faire peur il y a quelques années, c’est désormais une autre grande tendance du moment, porté par le succès du leasing automobile et des plateformes de vidéos. Ainsi, près d’1 cyberacheteur sur 5 a déjà opté pour la location de produits en ligne[5].

Parmi les enseignes qui se lancent sur le créneau, Decathlon exploite le concept de la location pour les équipements sportifs. Il est ainsi possible de louer un vélo sans engagement pour une longue durée contre un loyer mensuel. La marque va plus loin encore et teste en Belgique de proposer à ses clients une offre élargie sur 3000 produits à l’utilisation occasionnelle. Equipement de camping, sports nautiques, montagne… De quoi adapter son usage aux saisons sans avoir à acheter.

L’abonnement gagne également le domaine du textile. Des tests sont en cours chez Petit Bateau sur des box regroupant des vêtements par âge, ou encore chez Kiabi qui propose une offre entre 19 et 49€ par mois pour 5 à 20 produits loués. Un modèle encore à défricher avec un impact sur la fidélisation de leurs clients restant à mesurer. Mais déjà des promesses intéressantes en termes d’engagement client, qui devient un utilisateur pouvant apporter un retour d’expérience utile pour l’enseigne. Un service toujours plus personnalisé, qui renforce l’attachement émotionnel envers la marque.

Economie circulaire & retail, un enjeu double

L’enjeu autour de l’économie circulaire pour le retail est double. Il s’agit bien entendu de mettre en application des politiques RSE des enseignes toujours plus ambitieuses. Mais surtout, de répondre aux attentes actuelles de leurs clients pour s’adapter aux changements de mentalité. Plutôt que de perdre des consommateurs à l’instant t, il y a tout à gagner à conserver ses clients fidèles et les maintenir dans le circuit. Une question d’image et d’engagement qui devra toutefois déjouer les pièges des impacts indirects moins vertueux, par exemple la problématique de l’empreinte carbone. Cette nouvelle manière de consommer devient primordiale pour les millennials et la génération Z, porteurs d’un pouvoir d’achat en plein développement. Une cible essentielle pour les retailers qui redéfinit les contours du commerce de demain.


[1] 14ème édition du baromètre de la consommation responsable de GreenFlex & l’ADEME

[2] Legifrance : LOI n°2020-105 du 10 février 2020 relative à la lutte contre le gaspillage et à l’économie circulaire

[3] Etude Fevad & KPMG « La seconde main au premier plan, Comment l’e-commerce propulse la seconde main sur le devant de la scène », septembre 2022

[4] Un Ikea à économie circulaire, Ikea.com/fr

[5] Etude Fevad & KPMG « La seconde main au premier plan, Comment l’e-commerce propulse la seconde main sur le devant de la scène », septembre 2022

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